Un meurtre abdominal

Je l’ai retrouvé allongé sur le lit, les draps tachés de sang. En position foetale tel un nourrisson, elle ne bouge plus, son visage trahit des heures de souffrance. Après une multitude de combats et de tortillements, elle avait décidé de s’abandonner au sommeil profond. Je déteste la voir dans cet état, elle ne ressemble à rien, ou si, à un mort. D’ailleurs c’est cette atmosphère qui rôde autour de nous, la mort. Il n’y a plus un bruit, je n’ose même pas respirer de peur qu’elle se réveille avec son corps zombifié et son entrejambe momifié. 

“Tu ne peux même pas imaginer comment je souffre” me dit-elle chaque mois. Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que lorsqu’elle a ses règles, je souffre aussi avec elle.  

Le sang

“J’ai commandé un lot de culottes menstruelles pour les nuits, elles absorbent tout, ne t’inquiète pas, je ne tacherai plus nos draps” m’a-t-elle dit semaine dernière avec tout son entrain. Anne est une fille de nature pétillante et optimiste, elle est toujours la première à rire et transmettre sa bonne humeur. Mais lorsque cette période sanglante arrive, elle n’est plus la même et moi non plus. 

Tout d’abord, il y a ce sang. En tant que grand hématophobe, je ne supporte pas la vue du sang. Anne le sait, elle fait de son mieux et prend des précautions, mais ça n’est pas toujours facile de faire attention en dormant. Plusieurs fois, je me suis réveillé avec des taches de sang par-ci par-là sur le drap. Ces matins-là, je me sentais apeuré, tout frissonnant et je finissais par passer une très mauvaise journée, comme elle, mais pas pour les mêmes raisons.    

Douleur

Ce qui n’arrangeait rien, c’est qu’elle souffrait énormément. Les premiers jours, elle se tortillait de douleur cherchant la position qui l’apaiserait le plus. “Je n’ai plus de médicaments, pourrais-tu aller à la pharmacie et m’en prendre s’il te plait”. De tant à autres, elle finissait cette phrase par “Je t’en prie”, dans ces moments-là, je sentais que la douleur était torture et que les médicaments semblaient être son sauveur.  

Les nerfs à vif

Si certains hommes célibataires pensent qu’il s’agit d’un mythe, je me fais une joie de leur dire que non. Vous me trouvez méchant, moi je vous dis qu’un homme averti en vaut deux, mieux vaut prévenir que guérir, enfin vous avez compris. Durant cette semaine, surtout pendant les premiers jours, chaque mot que nous prononçons peut être source de guerre dont nous sortirons perdant dans tous les cas. Prise par la douleur votre bien-aimé semble faible, mais en réalité elle a une force incommensurable due à cette même douleur. La douleur les rend plus fortes, plus dangereuses, plus cruelles. Alors messieurs, si vous devez vous plaindre ou lui demander une chose qu’elle trouve désagréable, évitez de le faire pendant cette fameuse période, je parle en connaissance de cause.  

Aujourd’hui, je suis heureux qu’elle ait acheté des culottes menstruelles, je me suis renseigné sur le sujet et il parait qu’elles sont très absorbantes. Cela m’enlèvera déjà un poids, le plus gros, je n’aurais plus jamais à voir de sang sur mes draps.